8 / 10 / 2018

Des bactéries pour la vie

L’intestin, notre deuxième cerveau, le microbiote, la flore intestinale, on a l'impression depuis peu de temps, que tous les livres en parlent. Vous vous souvenez certainement du succès de cette étudiante en médecine allemande auteur du livre « le charme discret de l'intestin » ! Qui eut cru que parler de notre ventre et des petits organismes qui l'habitent, intéresserait des millions de personnes ! On dirait qu'on découvre que notre immunité n'est pas là où on le croyait ! Et si elle se situait dans notre ventre ?


Le microbiote c’est l’ensemble des bactéries qui vivent en nous et sur nous. Elles sont à la fois dans l'intestin mais aussi sur notre peau, dans nos oreilles, dans notre bouche etc. Les recherches portent plus sur ce fameux microbiote intestinal, car c'est là qu’on en trouve le plus. 100 000 milliards de micro-organismes côtoient 10 000 milliards de cellules nobles… On ne fait pas le poids devant une telle armée ! Il vaut mieux bien s’entendre ! "Il n'y a pas d'Homme sans microbes, nous dit Patrice Debré dans son livre l'homme microbiotique : le futur de l'Homme ne se construit pas sans, mais avec lui."


Pour mieux comprendre ce vaste monde intérieur, je suis allée interviewer un spécialiste en la matière, le docteur Bruno Donatini, car il passe sa vie à étudier l'influence de l'alimentation sur la flore intestinale. Il a publié de nombreuses études en s'appuyant sur des milliers de cas.


Marion Kaplan : comment sait on qu'on a des problèmes de flore intestinale ?


Bruno Donatini : En général, on le sait. On peut prendre du poids ou en perdre, on est fatigué, on peut avoir de la graisse sur le foie, on peut avoir des ballonnements, des douleurs, du cholestérol, de l'hypertension, du diabète, tout cela ce sont des signes de dysbioses, c'est-à-dire une flore intestinale pathogène. On peut également avoir des signes de malabsorption : cela peut être une ostéoporose précoce, des cheveux qui tombent, une carence en zinc, une spasmophilie, une anxiété excessive, de l'insomnie, une peau sèche etc tous ces signes montrent que notre intestin grêle est touché. Nous, médecins, nous le testons avec un test respiratoire qui va mesurer l'haleine du patient. Selon l'importance des gaz émis, on peut confirmer un diagnostic. On peut savoir si c'est un défaut d’enzymes digestives qui peut créer une abrasion du grêle et qui peut s'associer à une perméabilité intestinale, qu'on appelle couramment le leaky gut syndrome.


MK : Comment arrive-t-on à cet état de malabsorption ?


BD : Suite à une mauvaise alimentation, les enzymes ne font plus leur travail car elles sont carencées suite à une malabsorption, elles ne peuvent plus fonctionner quand le pH n'est pas équilibré, et qu'elles sont face à un biote qui a abrasé la muqueuse de l'intestin grêle.


MK : Quels sont les aliments qui entraînent cette malabsorption ?


BD : L'aliment qui va être le pire, c'est celui qui va coller à la muqueuse et lui ressembler. Le pire, c'est le gluten. C’est la céréale qui va entraîner une importante fermentation et qui va coller à la paroi. En collant à la paroi de l'intestin elle va créer un biofilm et s’associer à une bactérie, une mycobactérie par exemple, qui va manger du gluten et indifféremment sa propre muqueuse. Donc on finit par avoir un biofilm qui mange notre propre muqueuse !


MK : Quelles sont les conséquences ?


BD : On va avoir un foie gras, on sera fatigué, notre immunité va s'effondrer et on peut être atteint d’une maladie auto-immune comme une polyarthrite, un cancer, une sclérose en plaque, ce qu'a très bien décrit le docteur Seignalet. La première étape qui va générer la malabsorption c’est le virus. Il y a énormément de virus et ce sont des virus chroniques.


MK : Comment et pourquoi les virus s’installent?


BD : On a tout un tas de virus qui restent en permanence dans le corps. La famille la plus connue est les herpès virus. Les herpès virus sont issus de la varicelle qui vont rester en permanence dans les tissus et entraîner de temps en temps du zona. C’est l’herpès qui donne des poussées récurrentes. C’est le virus Epstein-Barr (EBV) qui donne des angines, des sinusites, des otites à répétition.


Marion : Ils sont en permanence dans l’organisme ?


BD : En permanence.


MK : Alors pourquoi ils s’activent et se désactivent ?


BD : Ils sont activés cycliquement. Par exemple, l’herpès va sortir cinq jours tous les deux mois, l' EBV, c'est-à-dire le virus Epstein-Bar, tous les deux mois. Ils ont un cycle. Ils vous détruisent, vous reconstruisez, ils vous détruisent… Vous passez votre temps à être détruit et à reconstruire.


MK : Est-ce qu’il y a un moyen de les éliminer ?


BD : Premièrement, on les détecte cliniquement. Il y a le bouton de fièvre, les aphtes, les angines, les sinusites. Cliniquement, c’est présent. Deuxièmement, on peut les détecter par des sérologies qui montent. La prise de sang révèle la présence des anticorps. Troisièmement, c'est ce que l’on appelle les PCR, les amplifications génétiques, c'est-à-dire la trace génétique de la présence du virus dans la salive.


MK : D’accord, mais après, on fait quoi s’ils sont là en permanence ?


BD : Après on essaie de les tuer. Moi, j’utilise les mycéliums de champignons avec des huiles essentielles ou des plantes qui sont connues pour tuer ces virus. MK : On les prend en permanence, ou c’est juste une fois et on les éradique ?


BD : Il y a une charge virale. C’est un peu comme le sida. Il faut baisser cette charge virale et après le corps s’en occupe. Il suffit de donner des petites doses pour maintenir une charge virale basse. Donc on commence par une dose de charge, puis on fait un jour sur deux ou un mois sur deux, de façon à ce qu’ils ne sortent plus jamais. Il faut donc en prendre chroniquement.


MK : Est-ce qu’il y a un type de champignon par virus ?


BD : Pour les herpès virus, ce sont trois ou quatre champignons : Ganoderme, Coriolus, Shiitaké et la Pleurote de l’orme. Ce sont des mycéliums poussés sur des écorces de bouleau. Ce sont des produits bios. C'est très intéressant de voir combien un produit bio contient de bactéries qui vont former un bon biote. C’est ce que l’on peut appeler le paléobiote. Parce que vous ne pouvez pas donner simplement une substance. Pour entretenir un bon biote, il faut manger des bons produits avec des bactéries vivantes qui vont s’insérer dans notre mucus et nous protéger.


MK : Où sont les bactéries dans notre alimentation ? Comment on les garde vivantes ?


BD : Il y a un seul grand produit qui contient des bactéries, c’est logique, c’est le légume.


MK : Tous les légumes ?


BD : Les légumes qui ont des racines et les pieds dans la terre. Les bactéries telluriques, par définition sont dans la terre. Elles sont ancestrales. Elles nous protègent tout en protégeant le légume. C’est la symbiose par excellence. C’est le paléobiote, c’est ce qui monte dans le légume. Le fruit en contient très peu, la viande n’en contient pas, le poisson n’en contient pas. On évitera donc tous les légumes qui sont poussés hors-sol. Ils ne contiennent pas d'endobactéries et ne peuvent donc pas nourrir notre microbiote. Le légume bio est très riche en biotes, en minéraux et en oligo-éléments. Le taux d'anti oxydants est proportionnel au nombre de bactéries. Quand je parle de bactéries se sont des endobactéries. C'est normal, les antioxydants sont synthétisés par les endobactéries, le légume lui, va être protégé par ces bactéries et ces mycéliums. C'est-à-dire ces bonnes bactéries qui poussent à l'intérieur de la cellule du légume et qui vont empêcher les parasites et les insectes de détruire le légume. Plus le légume est bio plus il en contient. Toutes les plantes ont des champignons aux pieds. Il n'y a pas de plantes sans champignons. S'il n'y avait pas de champignon, entendez de mycélium, il n'y aurait pas d'arbre, pas de forêts, pas de plantes… Le mycélium c'est le roi de la vie, il contient tous les principes actifs et protecteurs, c'est le réseau de la forêt. C'est l'Internet de la forêt. S'il n'y a pas de mycélium il n'y a pas de bon biote et il n'y a pas de légumes. Si le légume ne contient pas assez d'endobactéries , il fermente comme votre intestin et il pourrit. Un intestin qui est mangé par son biote, on peut dire qu'il pourrit un peu. Alors, quand vous mangerez un légume, pensez que c'est comme si vous mangiez une forêt qui va peupler votre prairie intérieure. Vous allez manger du mycélium qui contient tous les principes actifs, les éléments protecteurs de votre muqueuse et qui va s'insérer dans votre microbiote en empêchant l'activité des virus. Les endobiotes ne fermentent pas, c'est une synergie.


MK: Quel programme! Mais alors, faut-il manger les légumes crus ou bien peut-on les cuire ?


BD : Les légumes peuvent être cuits parce que ces paléobiotes résistent à la température, par opposition aux bactéries Escherichia coli et Mycobactérium qui sont détruites à 60°. Les endobactéries résistent bien à la cuisson jusqu'à 102°C.


MK : Pourtant on dit que la cuisson élimine les bactéries pathogènes comme les salmonelles, des choses comme ça.


BD : oui, les bactéries pathogènes sont fragiles.


MK : C’est une bonne nouvelle. Qu’est-ce que vous pensez de la cuisson à la vapeur douce ? BD : La cuisson à la vapeur douce, si elle dépasse 60°, tue les mycobactéries, c'est-à-dire les bactéries toxiques. Si elle va au-delà de 102°, elle risque de tuer des bonnes bactéries. Une cuisson, c’est entre 60 et 100° avec des légumes bios qui sont quatre fois plus riches en endobactéries.


MK : D’où l’importance de manger des légumes bios. Mais est ce qu'il y en a dans les céréales.


BD : Il y en a très peu dans les céréales, comme les fruits qui en contiennent très peu. Les grains sont des fruits de légumes. Donc il faut manger peu de céréales, et beaucoup de légumes cuits à la vapeur douce.


MK : Qu’est-ce que vous pensez du soja ? Il y a beaucoup d’études controversées.


BD : Le soja est une légumineuse, qui va fermenter et qui va être très indigeste pour beaucoup d'entre nous. On doit personnaliser. Il faut mesurer. Si une personne a beaucoup de gaz méthylacétate et qu'elle fermente à la prise de fructose, elle va très mal digérer le soja. On peut lui dire de diminuer le soja. Elle ne peut pas être une végétarienne consommatrice de soja. Cette médecine personnalisée permet de répondre à la question : « oui vous, vous pouvez tolérer ou pas ».


MK : Et qu’est-ce que vous pensez des gens qui ne mangent que des végétaux, les vegans ? BD : A mon avis, ils vont réduire leur espérance de vie. C’est un choix personnel, mais ils réduisent leur espérance de vie. Nous avons besoin d’oméga 3 et de poisson, nous avons besoin d’œuf, nous avons besoin de reconstruire notre muqueuse. On ne peut pas passer notre temps à manger de la spiruline, de la citrulline et des extraits végétaux protéinés.


MK : Et ceux qui veulent manger tout cru ?


BD : Ils vont ballonner tout de suite, très vite. C’est indigeste par excellence. Les bactéries toxiques sont toujours présentes. Les céréales sont quasi interdites.- Vous ne pouvez plus manger de pommes de terre. Leur alimentation contient beaucoup de fibres et de fructoses totalement indigestes. Ils vont exploser. En deux ans, ils viennent me voir.


MK : Quels sont vos autres conseils?


BD : Il faut lutter contre toutes les infections chroniques qu'on a pu identifier au niveau buccal car c'est là qu'on va identifier les virus et les bactéries par un prélèvement de la salive. Tout ce qu'on va déglutir va ensemencer notre intestin. Donc, quand il y a un virus ou une mauvaise bactérie elle va contaminer tout le tube digestif. D'où l'importance de nettoyer la bouche avec des produits capables de neutraliser ces virus et ces bactéries. Les poudres de mycélium associées aux huiles essentielles sont très efficaces. La gencive va se réparer, vous ne saignerez plus de la bouche, et vous lutterez en même temps contre les parodontoses. On nettoie donc du haut, c'est-à-dire de la bouche, jusqu'en bas, c'est-à-dire jusqu'au rectum. Pour vider un estomac, il faut également faire un peu d'activité physique. La vidange nécessite une sudation. Il faut avoir chaud pour vider un estomac. Donc on évitera de boire glacé et on préférera les boissons chaudes car à 43° vous tuez les virus ! La piscine ne sert à rien car il y a souvent plein de mycobactéries dans l'eau qui adorent le chlore et vous ne transpirez pas. L'activité physique est une bénédiction pour la santé. On va ensuite drainer le foie et pour cela il y a beaucoup de plantes très efficaces comme le chardon Marie.


MK : Que pensez-vous des probiotiques ?


BD : Si vous ballonnez surtout au niveau de l'estomac, jamais de probiotiques ! Car vous allez aggraver les ballonnements, vous allez prendre du poids, vous n'aurez aucun effet sur les virus et vous entretiendrez la dysbiose. Les probiotiques sont des germes qui ne peuvent pas s’insérer dans la flore, qui restent à l’intérieur et qui disparaissent dans les 5 à 7 jours. Les probiotiques par définition ne peuvent pas changer la flore. Tous les probiotiques sont des ingrédients alimentaires qui ne modifient pas la flore. C’est tout. Ça ne sert à rien. C’est une publicité mensongère quand on dit que ça modifie ou que ça traite quelque chose.


MK : Pourtant, moi, j’ai connu des gens qui disaient « quand je prends des probiotiques, ça va. Je ne suis plus constipé. Je vais mieux. »


BD : Oui, mais il y a des gens, à peu près 40/45% des gens qui disent, quand ils prennent un placebo, qu’ils vont mieux. Ça fait beaucoup.


MK : Donc pour vous, les probiotiques n’apportent rien ?


BD : C’est un placebo. Il en faut. On a une flore commensale et on ne peut pas le changer. On peut l’aggraver si on mange quelque chose de pas bon : des yaourts par exemple ou des probiotiques. Vous ballonnerez plus, mais vous ne changerez pas votre infection virale. Vous ne changerez pas la mycobactérie qui est comme une tuberculose. Vous ne changerez pas une abrasion.


MK : Quelqu’un qui partirait dans la vie avec une mauvaise flore, qu’est-ce qu’il peut faire ?


BD : Il faut qu’il essaie de détruire le virus qui l’a fait. La clé c’est le virus et la mycobactérie qui est une bactérie d’origine pulmonaire transmise par les parents par la déglutition.


MK: Et comment on élimine la mycobactérie ?


BD : C’est l’huile essentielle d'origan, de cannelle, et de clou de girofle.


MK : Il peut y avoir aussi des gens qui ne supportent pas les champignons ou les huiles essentielles. Comment on fait ?


BD : Les doses sont infimes : Le laetiporus est un champignon qui ne connait pas d’allergie. Il y a des gens qui vont ballonner aux champignons adultes mais pas aux mycéliums…


MK: dans l'avant-propos de mon livre paléobiotique, vous nous avez affirmé qu'il y avait des bactéries dans le placenta. Il y a une croyance qui est largement répandue, que le bébé in utéro est stérile et qu’il n’a pas de flore. Où en est-on ?


BD : En fait, notre flore c’est une flore qui est notre jardin intérieur et il faut la cultiver avec bienveillance. Un des grands paramètres déterminants de notre flore est ce que l’on déglutit. C’est un mélange de notre flore buccale et de notre flore pulmonaire. C’est ce qu’on déglutit qui va dans l’intestin. Cette flore buccale régule toute notre flore et va, finalement, être projetée un petit peu partout. On va en retrouver dans notre foie, dans notre appendice, dans nos articulations, dans notre thyroïde. On comprend mieux pourquoi certaines maladies auto-immunes dépendent directement de notre flore digestive. Il n’est pas surprenant que cette flore buccale et pulmonaire se retrouve dans le placenta de la mère. C’est ce qui a été démontré. Le placenta est occupé par une flore de quatre à cinq germes.


MK : C’est le placenta. Ça n’est pas encore dans le bébé.


BD : La terre nourricière du bébé c’est le placenta. Donc en fait, si on considère qu’un légume pousse sur une terre fertile, le bébé pousse sur un placenta fertile qui lui-même a besoin d’endobiotes. S’il n’y a pas d’occupation de bactéries dans le placenta, le placenta ne peut pas vivre. Nous sommes tous occupés par des biotes. Il y a un microbiote placentaire. Ce microbiote placentaire va aider le bébé à croitre et à se défendre. Quand il né, il a déjà une immunité et il a une flore digestive puisqu’il déglutit.


MK : Mais pourquoi est-ce qu’on dit, depuis des décennies que le tube digestif du fœtus est stérile?


BD : Parce qu’on n’a jamais cherché les bonnes bactéries. Mais dès qu’on les cherche, on les trouve. On cherchait les mauvaises, comme on ne les trouvait pas, on disait que le bébé était stérile dans le corps de la mère. On trouve ces endobiotes dans les légumes et on va ensuite les retrouver dans nos cellules puis dans les cellules du placenta. Un placenta, c’est une muraille. Vous avez plein de cellules et pour éviter que le virus ne passe ou que les mauvaises bactéries ne passent, les membranes se dissolvent et ça créé des énormes magmas de 40/50 noyaux. Un syncytium, ( Substance vivante et organisée contenue dans une membrane et comportant plusieurs noyaux.) c’est infranchissable. Il y a des endobactéries dedans. C’est un autre monde!


MK : Où peut on trouver ces mycéliums?


BD : On peut trouver ces mycéliums très facilement envoyant un mail à: foret-nature@orange.fr Mais le mieux, c'est de mesurer chez un médecin ou un thérapeute que j'aurais formé. Je fais tous les ans des formations dans une école de médecine intégrative : www.ecim.com



Propos et synthèse recueillis par Marion Kaplan


Paléobiotique aux éditions Thierry Souccar

Les champignons comestibles, aliments d'avenir de Jean Marie Samori aux éditions du dauphin

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