4 / 06 / 2024

Fructose : l’ennemi n°1 des sucres

Aujourd’hui, vous allez comprendre pourquoi il est impératif de limiter grandement notre exposition au fructose, l’ennemi N°1 des sucres. Sa surconsommation, telle qu’on la pratique aujourd’hui, a des effets néfastes au-delà de sa charge calorique sur notre foie, où il s’avère aussi toxique que l’alcool – plus précisément l’éthanol, dont il est le cousin métabolique-, mais aussi sur notre microbiote et notre cerveau. Explication.

Nous sommes au milieu d’une pandémie mondiale de maladies métaboliques chroniques, qui se prépare depuis 30 ans. La situation est à tel point alarmante que le syndrome métabolique (diabète de type 2, hypertension, dyslipidémies, maladies cardiaques) et d’autres maladies non transmissibles (le cancer ou la démence, par exemple) constituent désormais une menace plus grande, tant pour les pays développés que les pays en développement, que les maladies infectieuses comme le Sida1

La plupart des gens accusent l’obésité d’être à l’origine de ces maladies, mais pour le Dr Robert Lustig, endocrinologue pédiatrique à l’Université de Californie, auteur de ce constat en introduction d’un article fondateur, publié en 20132, c’est l’arbre qui cache la forêt, qui détourne le regard de la vraie cause de cette pandémie de dysfonctionnements métaboliques : la consommation galopante de fructose à travers le monde. Il travaille sur le sujet depuis un peu plus de dix ans, à la suite du constat surprenant dans son cabinet, dans les années 2010, qu’une partie des patients présentaient des signes de dégénérescence du foie sans être de gros buveurs (la fameuse stéatose hépatique non alcoolique, sur laquelle je reviendrai ensuite), certains n’avaient même pas 10 ans. 

==> Le Live ci dessous met en lumière le dernier ouvrage de la Dr Bourdua-Roy et Sophie Rolland « Le Grand Livre de la Santé Métabolique », un guide essentiel pour comprendre et inverser les maladies chroniques liées au mode de vie.

L’obésité n’est pas la cause du syndrome métabolique sinon comment expliquer, comme le Dr Lustig le souligne, que 20% des personnes obèses sont métaboliquement normales avec des dynamiques normales d’insuline, et toute une vie sans tomber malade jusqu’à mourir à un âge normal, sans rien coûter à la société. Ils sont juste en surpoids 3. Et que, inversement, 40% de personnes ayant un poids normal présentent des composants spécifiques du syndrome métabolique. Ils ne savent pas qu’ils sont malades, jusqu’à ce qu’il soit trop tard…

Hormis la surconsommation calorique, quel type d’exposition pourrait provoquer le syndrome métabolique ? Le fructose, qui constitue pour moitié le sucre de table (saccharose) - l’autre moitié étant du glucose -, et surtout 55%4 de son frère synthétique : le sirop de maïs à haute teneur en fructose, largement répandu dans l’industrie alimentaire.

En un siècle, les Américains ont augmenté leur consommation de fructose d’environ 15 grammes (ce que nos lointains ancêtres consommaient de manière parcimonieuse et très modérée avec les petits fruits de saison et le miel des abeilles), soit 4% de l’énergie totale, à 75 grammes par jour, soit 12% de l’énergie totale. Jusqu’à 100 grammes pour certains adolescents, soit 200 g de sucre par jour si vous ajoutez la même dose de glucose ingurgité en même temps. Une vraie bombe à retardement pour le foie littéralement submergé. Même si l’Amérique est la plus grosse consommatrice de sucre, les autres pays ne sont pas bien loin derrière.

Le problème avec le fructose, c’est qu’il peut exercer des effets néfastes sur la santé au-delà de ses calories de manière qui imitent celles de l’éthanol, son cousin métabolique. En d’autres termes, il est aussi toxique que l’alcool pour notre foie, et pas que…


Le fructose est très problématique à plusieurs niveaux.

Si le glucose est essentiel à la vie - il l’est à tel point que notre foie le produit en cas de pénurie à travers le processus de néoglucogenèse5 -, le fructose ne l’est pas du tout. Aucune réaction biochimique humaine ne nécessite de fructose alimentaire. Le seul endroit dans le corps où le fructose a une importance physiologique est le sperme, et le fructose est fabriqué de novo à partir du glucose en utilisant la voie aldose réductase/sorbitol, nous explique le Dr Robert Lustig. En d’autres termes, le fructose est un élément nutritif résiduel, vestigial, pour l’Homme, héritage de la différenciation entre les plantes et les animaux.

S’il n’intervient nulle part qu’est-ce que notre organisme, plus précisément notre foie, va en faire ? Quel va être son impact sur lui ? D’autant qu’il doit aussi gérer le glucose en même temps…


Le métabolisme du fructose est complètement différent de celui du glucose

Ce qui se passe avec le fructose, c’est que pratiquement toute la charge ingérée se dirige directement vers le foie (seul 20% atteint le foie dans le cadre du métabolisme du glucose), car il est le seul à posséder le transporteur du fructose, appelé Glu5, et le foie a un taux d’extraction de fructose très élevé.

Contrairement à la majorité du glucose hépatique qui est converti en glycogène sous l’influence de l’insuline, le fructose n’est pas directement converti en glycogène, mais est transformé en graisse hépatique, ce qui favorise la lipogenèse de novo (c’est-à-dire la production de nouvelles graisses. C’est ainsi que notre foie transforme les glucides en graisses) entraînant une dyslipidémie, une stéatose et une résistance à l’insuline hépatique. La maladie métabolique chronique. Un processus en tout point semblable à celui observé avec l’éthanol, souligne le Dr Lustig, pour qui cela n’a rien de surprenant, car le fructose et l’éthanol sont congruents sur le plan évolutif et biochimique. L’éthanol est fabriqué par fermentation du fructose. La grande différence est que pour l’éthanol, la levure effectue la glycolyse, alors que pour le fructose, nous humains, effectuons notre propre glycolyse.


Le foie, le pancréas, le cerveau en prennent un coup

Cette résistance à l’insuline hépatique oblige notre pancréas à produire plus d’insuline afin que le foie puisse faire son travail. Cette insuline élevée a pour effet, au niveau du cerveau, de bloquer la leptine (hormone de la satiété), et donc de nous faire consommer plus de fructose. Le cerveau est trompé, il pense qu’il a faim et en redemande, comme pour l’alcool. Il altère aussi, comme l’éthanol, le circuit de la récompense, qui conduit à une consommation excessive.

Comme l’alcool aussi, le fructose génère un excès d’espèces réactives oxygénées (radicaux libres), ce qui augmente le risque de dommages hépatocellulaires et mène au dysfonctionnement cellulaire et au vieillissement, s’ils ne sont pas atténués par des antioxydants.

Enfin, les molécules de fructose provoquent une glycation 10 plus fois rapide que celles du glucose, générant ainsi beaucoup plus de dégâts. Les fameux AGE qui nous font vieillir plus vite.


Le microbiote en prend un coup aussi…

Une équipe de chercheurs a pointé dans une étude parue en 2020 dans le Cellular Gastroenterology and Hepatology6, que la hausse de l’incidence des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, MICI, coïncidait avec les niveaux de consommation plus élevés aux États-Unis et dans d’autres pays. Selon l’auteur, Cette étude démontre, selon l’auteur, un lien direct entre fructose alimentaire et les MICI, et soutient l’idée qu’une consommation élevée de fructose peut aggraver la maladie chez les personnes atteintes.

Cette consommation élevée aggrave le risque de colite tout en affectant le microbiote intestinal, cet effet procolitique (inflammation de la muqueuse du gros intestin) pouvant être expliqué par des changements dans la composition, la distribution et la fonction métabolique du microbiote.


Le tableau est sombre…

Avant de voir ensemble comment limiter les dégâts et se prémunir au mieux des dommages du fructose, je dirai quelques mots sur la stéatose hépatique, comme je le soulignais un peu plus haut.

Nous pouvons tous avoir une stéatose sans le savoir et sans être particulièrement gros, parfois en léger surpoids, voire de corpulence normale.

Selon le Dr Dominique Lannes7, hépato-gastro-entérologue, un tiers de la population, soit 30% d’entre nous, aurait aujourd’hui une stéatose8, c’est-à-dire de la graisse dans le foie, sans le savoir.

Il cite le Pr David Azoulay, chirurgien spécialisé dans la transplantation hépatique, qui souligne de son côté qu’un foie sain est devenu rare en l’espace de 25 ans. Les chirurgiens, qui sont aux premières loges, ont vu en quelques décennies le foie de leurs patients changer, même chez ceux a priori en bonne santé. Il devient de plus en plus stéatosique : le foie est pâle au lieu d’être rouge-brun, ses bords sont arrondis au lieu d’être biseautés. Quand on appuie dessus, la surface devient jaune autour du doigt, au lieu de rouge.

Dans le tiers de la population qui a une stéatose, souvent sans le savoir donc, continue le Dr Lannes, 20% vont développer une NASH à proprement parler (où la fibrose rend difficile la repousse normale du foie), sous l’influence de facteurs nutritionnels et d’hygiène de vie, mais aussi d’autres facteurs tels que génétiques, hormonaux ou liés au microbiote.

Vous aurez compris à la lumière de tout ce que nous venons d’évoquer qu’il est indispensable de limiter grandement notre exposition au fructose. Vous êtes sûr d’être plus protégé si vous avez banni tout ce qui est aliment transformé et ultra-transformé et autres boissons industrielles.


Comment limiter sa consommation de fructose

Côté fruits, il va falloir être prudent. On ne va, bien entendu, pas se priver de leurs précieux bienfaits en termes de vitamines, antioxydants et polyphénols, mais il conviendra de privilégier les petites baies en mangeant les fruits entiers, avec leurs fibres afin de limiter les dégâts (Lien vers Ma révolution glucose).

Il faut vraiment oublier les jus de fruits, dont les effets délétères, en raison de leurs teneur élevée en sucres libres, en fructose et en énergie, sont reconnus comme étant responsables de prise de poids et autres dysfonctionnements métaboliques.

Pour remplacer le sucre (50% fructose – 50% glucose), la stevia et l’allulose s’avèrent un bon compromis. Pour le moment, vous ne trouvez l’allulose que sur internet car ce sucre de substitution n’est pas disponible en Europe. C’est le seul à ne pas occasioner d’augmentation de l’insuline, alors que l’érytritol et le xylitol ferait grimper cette hormone… Affaire à suivre.

Comme le souligne Jessie Inchauspé9, attention au sirop d’agave, recommandé aux personnes diabétiques et aux personnes atteintes de diabète gestationnel. L’agave étant plus riche en fructose, il est en réalité plus mauvais pour le foie, et fuyez les yaourts « 0% de matière grasse », qui sont riches en saccharose, donc 50% de glucose, 50% de fructose. Une fois digéré, vous le savez maintenant, le fructose qu’ils contiennent est transformé en graisse.

En résumé, le fructose d’accord, mais à petites doses, en faible concentration et avec des fibres. Les personnes présentant une intolérance héréditaire au fructose, à qui il manque l’enzyme fructose1-phosphate aldolase B et qui ne peuvent pas en consommer sous peine d’hypoglycémie (entre autres symptômes), ne s’en portent pas plus mal. Ils ont non seulement moins de caries, mais ils sont en assez bonne santé, souligne le Dr Lustig, à condition, bien sûr, de continuer à limiter leur exposition au fructose.

A bon entendeur et Joyeuses fêtes à tous ! 

Marion Kaplan et Myriam Marino

DIRECT avec Marion Kaplan : Si malgré les régimes, vous n'arrivez toujours pas à perdre du poids ou que vous en reprenez après chaque régime, le moment est venu de comprendre pourquoi, et d'agir définitivement. Le journaliste américain Gary Taubes a fait une enquête pendant des dizaines d'années sur ce mécanisme infaillible qui fait perdre du poids à tout le monde. 



Notes :

1 - Secrétaire général de l’ONU, 2011

2- Fructose : it’s « alcohol without the buzz”, Adv. Nutr., mars 2013

Le Dr Lustig est l’auteur du livre « Sucre : l’amère vérité », aux Éditions Thierry Souccar, et je vous invite à lire son texte très intéressant qui démontre point par point avec forces détails et références bibliographiques les dommages du fructose, intitulé Fructose 2.0. À cette adresse : https://robertlustig.com/fructose2/

3 - Petit aparté sur le gras que nous attelons tant à fuir. Comme le souligne le Dr Lustig, la graisse viscérale qui entoure les organes, les grosses poignées d’amour que la plupart d’entre nous veulent tant fuir est parfaitement saine, car la graisse sous-cutanée est en fait plutôt bonne pour la santé. Il existe effectivement des études qui montrent que plus on a de graisse sous-cutanée, plus on vit longtemps. Semblant lui faire écho, Jessie Inchauspé, soulignant, notre rapport compliqué à notre masse grasse, explique dans son livre « Faites votre révolution glucose » qu’elle joue en réalité un rôle fondamental. Notre organisme utilise ses réserves de graisse pour stocker l’excès de glucose et de fructose circulant dans notre sang. On grossit certes mais on devrait l’en remercier car il essaye ainsi de nous protéger du stress oxydatif, de la glycation et de l’inflammation. Plus le nombre et la taille de nos cellules adipeuses augmentent (ce qui est en général lié à notre génétique), mieux nous serons protégés de l’excès de glucose et de fructose (mais plus nous prendrons du poids).

4 - Il existe certaines études qui suggèrent que le distributeur en sucre comme celui venant de MacDo, de Burger King ou 7eleven pourraient parfois contenir 65% de fructose, mais la plupart du temps c’est 55%

5 - La néoglucogenèse (aussi appelée gluconéogenèse) est la formation (synthèse de novo) de glucose à partir de précurseurs (molécules) non glucidiques tels que le pyruvate, le lactate, le glycérol et la plupart des acides aminés

6 - Cellular Gastroenterology and Hepatology, Une étude révèle que le fructose aggrave les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, Santé Magazine, 12 octobre 2020

7 - NASH, la maladie de la malbouffe, Dr Dominique Lannes, avec Catherine Siguret, Éd. Flammarion, 2018

8 - On commence à parler de stéatose quand plus de 5% des milliards de cellules qui composent le foie sont graisseuses, la norme étant de 2%. Cela peut mener à la fibrose, la NASH à proprement parler, si on ne modifie pas son alimentation, NASH, maladie de la malbouffe

9 – Faites votre révolution glucose, Jessie Inchaspé, Éd. Robert Laffont, 2022


Partager