28 / 10 / 2020

Génétique et épigénétique : comment ne pas tomber malade

Nous avons tous des prédispositions génétiques à un certain nombre de maladies. Chacun d’entre nous a un capital génétique qui lui est propre, unique, déterminé. Tous malades à un moment donné de notre vie ? Pas forcément ! Car ces gènes de prédisposition peuvent très bien ne jamais s’exprimer. Nous avons le pouvoir de les faire taire. Génétique et épigénétique : voyons ensemble comment ne pas tomber malade et… mieux transmettre à nos descendants !

La vie moderne a apporté son lot de maladies, telles que l’obésité, le diabète, la dépression, les allergies, les maladies inflammatoires chroniques, les cancers, l’AVC, l’infarctus, les maladies respiratoires, etc., qui ne cessent toujours d’augmenter. Les attaques environnementales sont aujourd’hui multiples. Elles peuvent être d’ordre alimentaire, chimique (médicamenteuse, agricole, industrielle), mais aussi d’ordre bactériologique ou viral, et enfin d’ordre géophysique avec les rayonnements toxiques. L’arrivée de la 5G ne nous annonce rien de bon en ce sens, d’ailleurs… À cela s’ajoutent le stress quotidien qui nous prend aux tripes, nos émotions qui nous chamboulent, nos peurs qui nous « cataclysment ».

Si l’environnement agit indéniablement sur nous, nous n’y réagissons pas tous de la même manière. Nous ne réagissons pas tous de façon identique à l’agression d’un microbe ou d’un virus. Nous ne sommes pas égaux devant la maladie, ni face au stress. Nos émotions également sont uniques. Puissantes pour tous en revanche, elles peuvent d’une manière générale déclencher un orage neurologique ou encore « activer » les gènes de la maladie à laquelle on est prédisposé alors qu’ils « dormaient » jusqu’ici.


La vie ne commence pas à la naissance mais à la conception1

Nous sommes tous uniques (y compris les jumeaux monozygotes, c’est-à-dire issus du même œuf), car chacun d’entre nous possède son propre système HLA (Human Leukocyte Antigen), un des systèmes de reconnaissance propres à l’organisme, constitué de gènes qui gouvernent la synthèse d’antigènes particuliers, présents sur toutes nos cellules : ils conditionnent, par exemple, la réussite d’une greffe.

Notre capital génétique vient à 50% de notre mère et à 50% de notre père. En même temps que la transmission des 23 paires de chromosomes a lieu la transmission de 50% du chromosome 6 de chacun des parents, qui renferme le système HLA. Ainsi, nous avons tous une identité génétique personnelle dont la commande est localisée sur le bras court du chromosome 6, qui ne représente qu’un millième du patrimoine héréditaire de chaque Homme, mais dont le nombre des combinaisons possibles dépasse quarante milliards !

Le système HLA joue un rôle fondamental de médiateur entre notre immunité innée : le soi (notre système de défense intrinsèque qui ne tient pas compte du type de maladie qu’elle combat), et notre immunité acquise : le non-soi (qui est la capacité d’adaptation faisant intervenir des cellules spécialisées face à une agression venant de l’extérieur). Il s’ensuit, dans le meilleur cas, une éradication de l’agresseur. Si cette destruction n’est pas directement possible, certaines réactions spécifiques du système HLA adapteront une stratégie, ainsi que je l’explique dans mon livre Paléobiotique2 que je vous invite à lire pour plus de détails sur le sujet. 

C’est à l’immunologue français Jean Dausset, prix Nobel de médecine en 1980, que l’on doit la découverte, en 1958, du complexe d’histocompatibilité majeur (CMH) ou système HLA en anglais, permettant aujourd’hui de connaître la compatibilité entre donneur et receveur pour les greffes d’organe, nous l’avons dit. Outre ces dernières, la connaissance du système HLA permet de vérifier la susceptibilité à certaines maladies, y compris auto-immunes, à certains virus ou bactéries.

Notre carte d’identité génétique, appelée haplotype HLA, est constituée d’allèles. Chaque haplotype HLA est individualisé par cinq couples d’allèles, présents dans la partie moyenne du bras court du chromosome 6. Il y a au total : 2 HLA A, 2 HLA B, 2 HLA Cw, 2 HLA DR et 2 HLA DQ.

Chacun de ces allèles réagit d’une façon particulière à une agression.


Système HLA et intolérance au gluten3

Les deux allèles DQ2 et DQ8 ont été les premiers reconnus par la communauté scientifique mondiale comme prédisposant à la maladie cœliaque, maladie grave due à une intolérance au gluten. Actuellement, on sait que onze allèles sont susceptibles d’intervenir dans l’intolérance au gluten, et ce, depuis la naissance, voire même depuis la conception !

Si on possède un ou plusieurs de ces allèles d’intolérance au gluten, tous les signes digestifs de la maladie cœliaque peuvent être visibles dès la naissance, mais ils peuvent aussi être masqués, sans être neutralisés, par la coexistence d’autres allèles qui prédisposent à d’autres maladies. On aura, en tout cas, plus de « chance » de déclarer une des maladies auxquelles on est prédisposé si on possède un des allèles cités.

Autre cas de figure, une personne possédant l’allèle HLA DQ2 ou HLA DQ8 est plutôt prédisposée à déclarer une maladie cœliaque, mais elle peut vivre les premières années de son enfance avec simplement des petits problèmes digestifs, qui peu à peu endommageront discrètement la muqueuse intestinale. Ce qui risquera de déclencher, à l’occasion d’un choc brutal, physiologique ou psychologique, d’autres maladies dues à l’agression d’un antigène. fourni précisément par un mécanisme spécifique du système HLA4.

Plus on possède d’allèles concernés par la maladie cœliaque, plus l’intolérance au gluten risquera d’occasionner des dégâts parfois irréversibles sur un organe.

Cela est certes peu réjouissant. Mais la bonne nouvelle, c’est que tout n’est pas figé. Notre génome (l’ensemble de nos gènes) est en effet aussi un système dynamique et interactif. Il peut être modifié par de nombreux facteurs qui permettent de faire évoluer l’ « expression » de nos gènes, c’est-à-dire de les activer ou les inhiber5. Au-delà de la génétique, entrée dans le domaine de l’épigénétique.


L’épigénétique ou quand l’environnement au sens large agit sur nos gènes 

Mot-valise créé en 1942 par le biologiste britannique Conrad Waddington pour réconcilier le monde du génétique et celui de l’embryologie (ou épigenèse)6, l’épigénétique « est une discipline de la biologie qui étudie la nature des mécanismes modifiant de manière réversible, transmissible (lors des divisons cellulaires) et adaptative l’expression de nos gènes sans en changer la séquence nucléotidique (ADN), nous dit l’Inserm7. Qui précise : « Les modifications épigénétiques sont induites par l’environnement au sens large : la cellule reçoit en permanence toutes sortes de signaux l’informant sur son environnement, de manière à ce qu’elle se spécialise au cours du développement, ou ajuste son activité à la situation. Ces signaux, y compris liés à nos comportements (alimentation, tabagisme, stress…) peuvent conduire à des modifications dans l’expression de nos gènes, sans affecter leur séquence. Le phénomène peut être transitoire, mais il existe des modifications pérennes, qui persistent lorsque le signal qui les a induites disparaît ».

Ainsi, il est admis que les signes externes tels que l’alimentation, l’environnement dans lequel nous vivons, nos pensées et nos actions peuvent influencer notre ADN. Trois terrains d’action donc pour faire taire les « mauvais » gènes : l’alimentation, l’hygiène de vie, la pensée.

L’épigénétique nous apprend également deux autres points : la transmission possible des gènes modifiés aux descendants. Différentes études ont montré, par exemple, que le stress est transmissible8 ; mais aussi des bonnes choses comme la transmission aux descendants de gènes modifiés leur permettant d’exprimer des caractéristiques plus saines, bien que porteurs de la mutation génétique.  Et la réversibilité.

Trois terrains d’action 

L’alimentation

« L’homme sage est celui qui va bien de l’intestin », Bouddha

Imaginons que vous avez une prédisposition au diabète. La prédisposition à cette maladie est le résultat de l’interaction particulière de plusieurs gènes, qui doivent être activés pour que votre diabète se déclare. Et pour les activer, il faut manger beaucoup de sucre et de féculents. Une alimentation saine au contraire les inhibera. Les gènes eux-mêmes ne changent pas dans l’opération, c’est leur expression qui change9.

Une alimentation saine doit bannir tous les produits industriels et supprimer les céréales et le sucre, éviter les féculents et amidons, ainsi que les produits laitiers bovins. C’est la base.

Après il y a le terrain, celui qui est propre à chacun, c’est-à-dire ce que génétiquement on est capable d’assimiler, sans oublier de satisfaire la gourmandise et l’appétit. Nourri, à satiété physique et mentale ! La paléobiotique, que je préconise, permet tout cela. Respectant à la fois l’aliment et celui qui le mange, elle propose une alimentation plus adaptée à notre nature, calquée sur celle de nos ancêtres pêcheurs, chasseurs, cueilleurs d’il y a 100 000 ans. Certes, nous avons évolué depuis - évolution dont il faut tenir compte - mais nous possédons tout de même encore une copie de ces gènes. Les peuples premiers nomades mangeaient beaucoup de végétaux, un peu de petits gibiers, des mammouths parfois, mais très peu souvent, et des baies. Cela se traduit aujourd’hui par une part belle donnée à tous les légumes en grande quantité, et des fruits de saison, plutôt des petits fruits, en quantité raisonnable. On y ajoutera, selon les goûts, de la viande, plutôt des petits animaux (poulet, dinde, canard), la viande rouge une fois par semaine seulement, tout comme le veau, l’agneau et le lapin, des œufs, du poisson. Il est entendu que tout doit être bio, et les animaux devront être issus d’un élevage respectueux.

Les épices et aromates seront aussi au menu, ainsi que les bouillons (faits maison évidemment !), qui sont extrêmement nutritifs.

Toutes les conditions sont alors réunies pour un microbiote au top ! La clé de la meilleure santé qui soit. Il peut en effet jouer son rôle à plein pour renforcer le système immunitaire, améliorer l’état émotionnel, l’énergie, la faculté de concentration, ou encore soutenir la réponse au stress.

Pour reprendre l’exemple du diabète : un microbiote déséquilibré peut déclencher la prédisposition à cette maladie tandis qu’un microbiote en bonne santé peut l’empêcher ou la supprimer. Mais l’inverse est vrai aussi : il peut arriver qu’une personne génétiquement prédisposée à avoir un poids normal grossisse si son microbiote est durablement perturbé par le stress, la mabouffe, la sédentarité et/ou l’exposition à certaines toxines.

L’hygiène de vie

C’est un leitmotiv, mais n’hésitons pas à l’asséner une nouvelle fois : il faut pratiquer une activité physique régulière. Il en va de notre santé.

La sédentarité a fait le lit de nombreuses maladies, on le sait. Le confinement en a tristement fait la preuve récemment avec des morts directes : les arrêts cardiaques sur infarctus ont été doublés sur la région parisienne, par exemple. Et les nombreuses morts prématurées à venir : qu’en sera-t-il de la surmortalité ces centaines de milliers de personnes en surpoids par confinement, ou encore de ces autres centaines de milliers de personnes ayant déclenché un trouble mental sévère, entre autres effets ravageurs du confinement !

Il existe, en soi, plein de possibilités de bouger : abandonner la voiture deux stations de métro avant le lieu de travail et terminer à pied, ou y aller à vélo quand c’est possible, faire trois fois par semaine du jogging ou du vélo intensif, monter les escaliers au lieu de prendre l’ascenseur, ou encore aller danser deux ou trois par semaine. Evidemment, le contexte actuel rend la chose plus difficile… Impossible aujourd’hui de franchir la porte de toute salle de sport, de danse, de soirée dansante. Ce, dans une logique de la peur, qui provoquera de nombreuses autres maladies autres que la Covid-19.

Une bonne gestion du stress et des émotions

Avoir une alimentation saine et une bonne hygiène de vie ne suffisent pas à maintenir une bonne santé : un gros stress, une contrariété (comme le confinement ou être empêché d’avoir une vie sociale normale) et on se met en résistance, une peur, et voilà que la maladie se déclenche.

Estomac noué par le stress, angine parce qu’on n’arrive pas à avaler, maladie respiratoire et poumons asphyxiés par la peur de mourir, peur panique d’attraper le virus qui fait percevoir le monde entier comme une menace… Ne nous laissons pas envahir par la peur !

Il est admis aujourd’hui que changer ses pensées peut changer la manière dont notre cerveau communique avec notre corps et peut modifier la biochimie du corps.  Si on entretient des pensées et des croyances négatives, le cerveau les perçoit comme une menace. Pour lui, c’est « comme si » vous étiez poursuivi par un fauve, comme je vous l’expliquais récemment (article Le Mal a dit). Les réactions de stress sont activées. Tout occupé à lutter contre ce fauve virtuel, le cerveau ne fait pas son travail de régénération cellulaire, d’auto réparation et de lutte contre l’oxydation. Cela vous épuise et vous finissez par tomber malade car vos cellules sont intoxiquées par les hormones de stress chronique. 

Différentes techniques, comme la relaxation, la méditation, l’hypnose et/ou la psychothérapie, peuvent aider à retourner dans le bon chemin de la pensée, celui du positif, du recul, de l’espoir, de la confiance en soi et en l’autre. Il s’agit de travailler à changer nos croyances toxiques autant sur le plan conscient qu’inconscient en vue de retrouver en nous et laisser émerger cet esprit prompt à déclencher des substances chimiques dédiées à la réparation du corps et à l’aider à se cicatriser tout seul. Je vous invite de nouveau, à ce propos, à découvrir le livre de Lissa Rankin sur ce sujet : Quand le pouvoir de la pensée l’emporte sur les médicaments (Éditions Trédaniel, 2014).

Alors, on aura maîtrisé les trois piliers d’une bonne santé physique et mentale qui mettent sous silence nos prédispositions génétiques à certaines maladies. Un bagage sain qui ne pourra que bénéficier à nos descendants : enfants, petits-enfants, et qui sait… arrière-petits-enfants !

Enfin, s’il reste encore beaucoup à découvrir sur l’épigénétique10, cette « sorte de mémoire cellulaire, transmissible aux générations suivantes de cellules », selon les termes Edith Heard, biologiste britannique, spécialiste mondiale de l’épigénétique, on sait, en revanche et pour conclure avec elle, que « tout le comportemental, la façon dont on tisse des liens avec nos descendants, est un puissant vecteur de transmission»11.


Marion Kaplan

En collaboration avec la journaliste Myriam Marino


Références : 

1 - Comme nous le rappelle le Dr Tadeusz Nawrocki, cancérologue, spécialiste en cytologie et du système HLA sur lequel il travaille depuis plus de quanrante ans

2 – Paléobiotique : Changez radicalement d’alimentation, mangez comme vos ancêtres, sauvez votre microbiote, Marion Kaplan, Thierry Souccar Éditions, 2015

3 – op cit. 2

4 - Chacun des allèles du système HLA réagit d’une façon particulière à une agression. « Par exemple, le système immunitaire peut être sollicité par un agent provenant de l’extérieur de l’organisme – une bactérie, un virus, un métal lourd, une molécule médicamenteuse, etc. – et qui possède une structure similaire à la protéine du soi (l’antigène) qui y réagira. Les produits de la réaction sont alors dirigés à la fois contre cet agent exogène et contre l’antigène du soi, en provoquant une maladie. Ce phénomène est appelé mimétisme moléculaire. Il est à l’origine du mécanisme de dérégulation de l’immunité acquise. Il peut également provoquer des susceptibilités alimentaires », Paléobiotique, Marion Kaplan, Thierry Souccar Éditions, 2015

5 – « Le gène est un segment d’ADN qui contient l’information nécessaire à la synthèse d’une ou plusieurs molécules qui constituent l’organisme. Le gène est dit actif/allumé/exprimé lorsque cette synthèse a lieu. Sinon, il est inactif/éteint/réprimé. Mais évidemment, l’expression génétique n’est pas un processus fait de noir et de blanc : il existe plein de niveaux gris, avec par exemple des gènes très actifs, surexprimés (synthèse importante) ou encore partiellement réprimés (synthèse très faible) ». Dossier Épigénétique, Inserm, 2015

6 – Edith Heard, biologiste britannique, spécialiste mondiale de l’épigénétique, chaire Épigénétique et mémoire cellulaire au Collège de France, directrice du European Molecular Biology Laboratory à Heidelberg, dans l’entretien accordé au Journal du CNRS : Edith Heard ou la révolution épigénétique, Laure Cailloce, 19 février 2019, paru le 24 juillet 2019.

Elle y livre sa définition de l’épigénétique : « l’épigénétique désigne tout changement d’expression des gènes qui n’implique pas de changement dans la séquence ADN, qui est stable mais demeure réversible. On le sait aujourd’hui, les cellules acquièrent leur identité, et elles la conservent, grâce aux marqueurs épigénétiques : des modifications chimiques de l’ADN qui n’altèrent en aucun cas la séquence de l’ADN, mais permettent de lire certains gènes et d’autres pas. L’épigénétique, c’est donc une sorte de mémoire cellulaire, transmissible aux générations suivantes de cellules. Mais c’est une mémoire qui peut s’effacer, d’où le terme de réversibilité ».

7 - Dossier «Épigénétique », Inserm, février 2015

8 - Gapp K, Jawaid A, Sarkies P et coll. Implication of sperm RNAs in transgenerational inheritance of the effects of early trauma in mice. Nature Neuro-science, 2014 ; et : Tyrka E.-R, Price L.-H, Marsit C et al. Childhood adversity and epigenetic modulation of the leukocyte glucocorticoid receptor : preliminary findings in healthy adults, PLOS One N°7 (2012)

9 – op cit. 2

10 – Contrairement au génome, qui lui a été décrypté entièrement, on ne connaît pas encore tout sur notre épigénome

11 – op cit. 6


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