19 / 11 / 2021

La fermentation contre les fermentations

Ce n'est pas un hasard si la fermentation remonte au néolithique, tant les vertus nutritives et la conservation de longue durée étaient des atouts majeurs à l'époque où les humains n'avaient pas de frigo ni de congélateur et dépendaient des ressources de leur territoire qui subissait les aléas du climat et les pillages des tribus ennemies.

Les Asiatiques préparent des légumes fermentés depuis des millénaires, que ce soient les soupes miso, le natto, très riche en propriétés nutritives mais peu apprécié par les Européens, la sauce soja, connue dans le monde entier ou le nuoc-mâm, notamment.

Chez nous, outre la choucroute, les produits fermentés proviennent plus des fromages, de nos saucissons, de nos cornichons, du chocolat (eh oui, le chocolat subit une étape de fermentation), du thé noir, du café et bien sûr de notre bon pain au levain et de notre bon vin issu de multiples terroirs.

La fermentation et la santé

Il y a encore trente ans les bactéries étaient considérées comme des ennemies et des signes de saleté. La politique agricole européenne a obligé les fabricants de fromage à pasteuriser l'ensemble de leur production. Les fromages au lait cru étaient taxés de dangereux car ils pouvaient éventuellement développer des maladies comme la listériose. Pourtant, si on utilise des laits de provenance d'élevages à herbage, la fermentation naturelle protège le produit des bactéries pathogènes. Tout vient du fait que les laits sont pasteurisés avant de confectionner les fromages, ce qui laisse la porte ouverte aux bactéries pathogènes.

N'avez-vous jamais remarqué que si vous laissez à l'air libre un lait UHT après ouverture, celui-ci pourrit, alors qu'un lait cru non pasteurisé va naturellement cailler et vous offrir un fromage blanc de grande qualité ? Mais cela est une autre histoire...

Une génération après avoir éradiqué toutes les bactéries à force d'antibiotiques et d'antiseptiques, on commence à comprendre que nous avons besoin de ces microbes pour vivre et que l'on a favorisé l'émergence de souches hyper résistantes qu'on ne sait plus combattre. Un enfant élevé à la campagne avec des animaux et de la saleté développera moins d’allergies qu'un enfant élevé en ville dans un milieu aseptisé. Il ne s'agit pas de dire adieu à l'hygiène de base, comme se laver les mains très souvent, ce qui est une bonne habitude depuis un an, mais arrêtons de diaboliser les bactéries dans leur ensemble et cherchons à les réintroduire intelligemment dans notre cuisine.

Heureusement qu'on ne nous interdit pas de confectionner nous-mêmes ces trésors de probiotiques et de prébiotiques !

Les études sur le microbiote foisonnent depuis l'année 2005. Tout le monde en parle maintenant, même les journaux grand public.

Nous avons fait un 95° sur ce sujet et vous avez donc compris que nous sommes des êtres hybrides contenant plus de bactéries que de cellules. Nous devons donc plus que jamais prendre soin de notre flore intestinale, car c'est elle qui contient les petits ouvriers qui vont vous permettre de digérer, absorber et distribuer vos nutriments. Un microbiote sain est l'arme absolue contre les virus, les infections, mais également contre le surpoids et tout autre syndrome métabolique. Toute maladie commence dans l'intestin, nous disait Hippocrate il y a 2 500 ans. Les études récentes le confirment.


Des probiotiques bon marché

Les produits fermentés élaborent des bonnes bactéries qui vont contribuer à renforcer notre flore intestinale. On les appelle probiotiques. « Probiotique » veut dire « pour la vie », contrairement aux antibiotiques qui luttent contre la vie. Ils sont bien entendu utiles dans des cas de surinfection car ils éradiquent toutes les bactéries pour sauver des vies. Mais on en a abusé et aujourd'hui on se retrouve face à des bactéries multirésistantes qu'on ne sait pas combattre.

Les probiotiques, quant à eux, sont des micro-organismes qui incluent bactéries, champignons et levures, que l'on trouve dans notre alimentation ou dans des compléments alimentaires.

Si vous consommez régulièrement des produits fermentés naturellement, vous en ressentirez certainement les bienfaits à long terme. Issus de notre alimentation, ils ont l'avantage de contenir également des fibres prébiotiques, nourriture essentielle de nos bactéries intestinales. Les prébiotiques se nourrissent de nos déchets qu'ils transforment en retour en vitamines, en acides gras à chaîne courte et autres carburants essentiels à la bonne santé de nos cellules.


La fermentation et l'industrie

Hélas, aujourd'hui la fermentation qui durait des mois et qui se bonifiait en vieillissant est aujourd'hui pasteurisée ou stérilisée pour stopper la fermentation. Vous ne trouverez pas de cornichons non pasteurisés. J'ai essayé, je n'en ai pas trouvé, même dans les magasins de diététique, et dans certains j'ai vu qu'ils ajoutaient du sucre ! De plus, les industriels fabriquent à moindre coût ce petit goût de fermentation en ajoutant du vinaigre aux produits stérilisés ! Bien que le vinaigre soit issu d'une fermentation, les vinaigres industriels pasteurisés n'ont plus du tout les propriétés du vinaigre artisanal. Ils tuent les bactéries sans discrimination ce qui neutralise les bienfaits de la fermentation et, pour corriger l'acidité, les industriels ajoutent presque toujours du sucre. Un comble !

Je dois vous avouer qu'avant d'élaborer ce magazine je ne m'étais jamais intéressée à confectionner moi-même des produits lacto-fermentés. J'achetais tous les hivers ma précieuse choucroute si bonne pour mes intestins, et ne m'intéressait pas aux modes de fabrication des cornichons ou autres pickles, que j'adore. C'est en voyant faire notre chef Arnaud Tabarec avec et notre créatrice culinaire Shira Benarroch que j'ai compris combien c'était simple à élaborer, et combien on pouvait donner un goût subtil à de nombreux fruits et légumes. C'est promis, je n'achèterai plus de cornichons pasteurisés et sucrés, je les confectionnerai moi-même et je vous donne rendez-vous dans un an, quand j'aurai mes citrons lacto-fermentés !

À vos bocaux !


Pour aller + loin : le magazine 95° #33 spécial fermentation :

https://www.95degres.com/mag/10-06-2021-95-n-33-du-bocal-a-la-fermentation

Vous pouvez le commander à l'unité au tarif de 15 euros au 0494012261


PODCAST : 

Le Telegraphe · Dans les secrets de la fermentation

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