6 / 07 / 2023
Pulsions alimentaires : comment les gérer et les maîtriser
Plusieurs d’entre vous m’ont demandé des conseils pour arriver à contrôler ou à gérer nos pulsions alimentaires. Vous savez, ces envies irrésistibles, incontrôlables, pour des aliments souvent mauvais pour la santé, mais qui nous apportent tant de réconfort! Ce n’est pas pour rien qu’ils sont qualifiés d’aliments « doudous ». J’étais aussi sujette à ces pulsions, et je vais vous livrer quelques trucs et astuces pour les contourner, ou en tous cas en limiter l’impact sur votre santé. Vous êtes prêts ?
Pourquoi ai-je cette pulsion ?
Quand une envie irrésistible me « tombait» dessus, la première chose que je faisais était d’essayer de comprendre pourquoi, d’où elle venait, ce qu’elle voulait exprimer. Était ce un manque physique provenant d’un déséquilibre alimentaire ou un manque psychologique ? Était ce un problème émotionnel qui appelait un réconfort immédiat, celui que nous apporte cet aliment doudou dont on a envie là, maintenant ?
Il est important, en effet, de se donner un temps pour la réflexion avant toute entreprise.
Pas assez de protéines au petit-déjeuner ?
Cette pulsion alimentaire peut être le résultat d’un mauvais départ dans la journée, c’est-à-dire débuter avec un petit-déjeuner contenant beaucoup de sucres (pain ou autres toasts, céréales, viennoiseries, confiture, jus de fruits…), et peu ou pas de protéines et d’acides gras.
En effet, quand nous sommes à jeun, l’estomac vide, c’est le pire moment pour ne manger que des sucres et des féculents, des glucides en un mot, car c’est à ce moment là que notre organisme est le plus sensible au glucose. Concrètement, cela fait grimper notre taux de glucose en flèche (dont la chute sera tout aussi vertigineuse), et vous le savez que cela est, à terme, dangereux pour votre organisme, comme nous l’avons vu ensemble dans mon article « Ma révolution glucose », où je vous explique l’importance de lisser notre courbe de glycémie et comment procéder.
Les études montrent qu’après un petit-déjeuner entraînant un pic de glucose, la faim revient plus rapidement et la glycémie reste déréglée toute la journée. Elle joue aux montagnes russes, impactant votre forme et votre humeur qui font aussi le yoyo. Vous avez des coups de pompe à répétition, vous ressentez des baisses d’énergie tout au long de la journée, vous êtes irrité pour un rien, nerveux, et vous êtes tenaillé par d’irrésistibles envies de sucré, ou de bien gras et sucré , en tout cas d’aliments bien caloriques. Vous avez constamment faim, en tous cas c’est ce que votre cerveau vous fait croire, mais en fait c’est juste votre taux de glucose qui vient de chuter aussi vertigineusement qu’il est monté. Et plus vous mangez, plus vous avez faim : vous rentrez dans un cercle vicieux.
Au contraire, un petit-déjeuner composé de protéines, de matières grasses - avec des fibres, selon les conseils de Jessie Inchauspé1, apporte une sensation de satiété et stabilise tant l’énergie que la courbe glycémique (et donc aussi insulinique), ainsi que votre humeur, bien sûr, tout au long de la journée.
Tant les protéines que les acides gras sont essentiels pour un bon départ dans la journée.
Les protéines, nous l’avons vu, augmentent la sensation de satiété et donc vous feront diminuer votre consommation de glucides (ce qui est bon pour votre courbe glycémique). Les protéines augmentent également la sécrétion de glucagon, l’hormone antagoniste de l’insuline (ce qui est donc aussi bon pour votre courbe insulinique). Qui plus est, certains acides aminés qui composent les protéines sont des précurseurs de vos neurotransmetteurs. Il en va ainsi du tryptophane (précurseur de la sérotonine) ou encore de la tyrosine (essentielle à la synthèse de l’adrénaline, la noradrénaline et la dopamine).
Quant aux acides gras, ils viendront nourrir vos petites usines énergétiques qui en raffolent. (Lien vers Voyage en mitochondries).
Si nos mitochondries utilisent le glucose en premier lieu parce qu’il est facilement accessible pour la plupart d’entre nous, ce n’est pas la voie la plus efficace de production d’énergie, et le glucose n’est pas la source idéale de carburant, les acides gras sont bien meilleurs. Leur combustion est responsable de 60 à 70% de l’énergie produite par nos cellules2. Comme nous l’avons vu, pour pouvoir pénétrer la matrice mitochondriale, les acides gras à longue chaîne ont besoin de L-carnitine qui se charge de leur transport. Cette molécule est produite en quantité significative par notre corps, mais sa production diminue avec l’âge, et elle nous est apportée, en terme alimentaire, par les protéines… La boucle est bouclée !
Faites un test
Il existe un petit test qui vous permettra de savoir si votre pulsion soudaine est la conséquence d’une baisse de votre glycémie. Une astuce livrée par Jessie Inchauspé, qui nous invite à attendre 20 minutes, minuteur en main, avant de « craquer ». En cas de chute de notre taux de glucose, c’est le temps que met notre foie pour se mobiliser et libérer dans le sang le glucose stocké dans nos réserves jusqu’au retour à un taux normal. À ce stade, l’envie de manger est souvent passée, votre pulsion/fringale aura donc disparue au moment où l’alarme retentira.
Je pense, tout comme Jessie, qu’il est important d’attendre avant de satisfaire notre pulsion, comme je l’énonçais en introduction. Un délai de réflexion est nécessaire pour permettre de se demander si on a vraiment besoin de ce chocolat, cette tarte au citron, ces chips ou encore ce saucisson !
C’est aussi pouvoir se dire que nous allons manger cette gourmandise , oui, mais plus tard, au prochain repas dans l’idéal (et au dessert si c’est une sucrerie ), ce qui permet de ne pas se sentir frustré, d’être dans le plaisir à retardement, et donc de se contrôler petit à petit.
Est-ce un problème émotionnel ?
Repousser le moment de satisfaire une pulsion, c’est aussi se donner la possibilité de ne plus en avoir envie, parce que se cache derrière cette pulsion un problème émotionnel, une anxiété… Une angoisse qui se glisse là, et que l’aliment (doudou) peut faire taire un petit moment, parce qu’il nous permet d’être dans la réalité, dans notre corps à l’instant présent. Et après cela passe.
Les émotions et l’alimentation sont en effet intimement intriqués. L’appellation d’aliments doudous prend ici tout son sens : ce sont ceux qui nous apportent le réconfort en cas de coup dur, que ce soit un gros coup de fatigue, du stress, une baisse de moral, une déception amoureuse ou professionnelle, etc. Tout événement (passé, présent ou futur) qui nous ébranle psychologiquement. Ils viennent combler un manque, un vide intérieur. Plus particulièrement les envies sucrées, parce que le sucre reste la première et éternelle consolation, le symbole de toutes les dépendances et aussi l’archétype de la dépendance alimentaire et/ou affective, comme nous l’expliquait le Dr Olivier Soulier3 qui vient hélas de nous quitter et je profite de cette lettre pour lui rendre hommage pour son magnifique travail sur le sens de maladies… Nous sommes tombés dedans quand nous étions un petit œuf ! Avec les années, les apports alimentaires vont se diversifier et la dépendance vitale et unique au sucre va se moduler en de nombreux aliments dont chacun évoquera un besoin spécifique et une dépendance possible. Par exemple, soulignait le Dr Soulier, le chocolat évoque la dépendance au sentiment d’être amoureux, et l’alcool notre difficulté à accéder à notre propre vérité. D’une façon générale, chaque problématique de dépendance non résolue pourra se compenser par un élément extérieur qui se comportera alors comme une drogue. Le sucré évoque la dépendance affective, l’assistance extérieure et la dépendance permanente à l’autre4.
Repousser le moment de satisfaire votre pulsion s’avère ainsi la meilleure façon de retrouver votre autonomie. Se discipliner à ne jamais manger entre les repas , peut vous servir de garde fou contre vos pulsions. Je l’ai fait moi-même et c’est devenu une habitude. Je me suis imposé cette discipline en tant qu’ancienne boulimique, et cela m’a permis de reprendre le contrôle sur moi et de mieux gérer mes émotions. Cette boulimie s’est développée à l’adolescence en réaction à des problèmes affectifs importants avec ma mère et mon milieu familial. Comme beaucoup d’enfants, j’étais persuadée qu’elle ne m’aimait pas, ou en tous cas elle ne me le montrait pas. Vous savez ce que sont les attentes! Elles sont souvent déçues!
Cette discipline est devenue une manière d'être que pour rien au monde je ne changerai.
Un mauvais tour de nos bactéries intestinales ?
Et si cette pulsion soudaine pour un aliment précis nous était dictée par nos bactéries intestinales ? Elles nous feraient, dans certaines circonstances, c’est-à-dire en cas de dysbiose, manger ce qui les arrange pour se développer a votre insus.
Je vous en ai parlé dans un précédent article (Et si les bactéries guidaient nos choix alimentaires ?), une revue de littérature récente a pu confirmer les faits, mais surtout elle nous éclaire sur la manière dont les microorganismes procèdent. Ils utiliseraient deux stratégies pour manipuler à leur profit notre comportement alimentaire, même si cela peut avoir un impact négatif sur notre santé. Ces deux stratégies consistent, soit à susciter des envies irrésistibles pour des aliments qui favorisent leur croissance et qui suppriment leurs concurrents, soit à provoquer des sentiments déplaisants jusqu’à ce que nous mangions les aliments qui leur conviennent.
Cela se ferait par l’intermédiaire du nerf vague, qui permet la communication entre l’intestin et le cerveau (Comment activer son nerf vague ?). En effet, souligne Athena Aktipis, une des auteurs de cette étude, les microorganismes ont la capacité de manipuler le comportement et l’humeur en altérant les signaux neuronaux dans le nerf vague, en changeant les récepteurs du goût, en produisant des toxines qui nous font nous sentir mal, et en libérant des récompenses chimiques qui nous permettent de nous sentir bien5.
Pour continuer de proliférer au détriment de nos bonnes bactéries intestinales, les bactéries ennemies peuvent ainsi nous pousser à manger mal et en trop grande quantité , à avoir des envies soudaines incontrôlables, qu’il faut nous assouvir sous peine de nous sentir mal psychologiquement, mais qui peuvent aussi nous altérer physiologiquement… La meilleure façon de les contrer est donc de rééquilibrer notre microbiote, ce en adoptant une alimentation saine et équilibrée, de type paléobiotique, sans oublier bien sûr la pratique régulière d’une activité physique et une bonne gestion du stress.
Mon envie n’a pas disparu : que faire ?
Les raisons d’une pulsion alimentaire peuvent être multiples, vous le voyez, mais quelles qu’elles soient, il faut bien s’avouer qu’il s’avère difficile, en pratique, d’y résister. Nous voici donc à l’étape : mon envie n’a pas disparu, que faire ?
On peut commencer par des solutions anti-fringale pour les aider à passer, comme celles proposées par Jessie Inchauspé : une tisane de réglisse ou de menthe poivrée, une cuillérée d’huile de coco dans un café, du jus de cornichon, un chewing-gum, ou encore un grand verre d’eau avec une grosse pincée de sel… Se brosser les dents peut aussi faire passer l’envie ou encore, si vous êtes chez vous, d’aller faire un petit tour dehors.
Si cela ne fonctionne toujours pas, que vous ne pouvez pas attendre le dessert du prochain repas, et que, c’est décidé, vous allez satisfaire cette pulsion, commencez par ne pas culpabiliser (Écarts alimentaires : comment ne pas culpabiliser). Dans l’idéal, buvez un grand verre d’eau dans lequel vous aurez dilué une cuillère à café de vinaigre de cidre avant de savourer ce petit plaisir réconfortant. Cela diminuera son impact sur votre glycémie.
Si c’est du chocolat, mangez-le et savourez-le doucement, laissez bien fondre le carré en conscience totalejusqu’à disparition sur la langue. Et prenez du chocolat 100% cacao, ou au moins 80% pour éviter de trop faire grimper votre glycémie. L’idée est de «limiter « les dégâts » en choisissant des aliments, certes toujours doudous, mais ayant un impact moins délétère sur votre santé.
Moi, quand j’ai envie de sucré, je fais une petite préparation à base de xylitol, un édulcorant issu du bouleau, qui s’avère être un très bon substitut aux sucres classiques, peu calorique et surtout ayant un index glycémique très faible, associé à de la purée d’amandes ou dilué dans un yaourt grec de brebis.
D’une manière générale, associer des bons gras aux glucides permet de limiter leur impact sur notre santé. Jessie emploie le terme d’habiller nos glucides plutôt que les laisser nus, seuls. Concrètement : vous allez satisfaire votre envie d’une part de tarte, en l’accompagnant d’un yaourt grec, d’un crumble aux pommes, nappé de crème, ou encore mangez quelques amandes avant votre croissant… Même une envie salée, qui peut contenir des glucides, doit être accompagnée de bonnes graisses : noix, avocat, etc.
Quand vous aurez bien savouré, et dégusté votre petit plaisir, bougez-vous pour réguler votre glycémie en faisant travailler vos muscles, que ce soit en faisant une petite marche à pied, du vélo, un sport intense ou encore des squats. Le choix est vaste, et vous ne manquerez pas de trouver ce qui vous convient et surtout ce qui vous plait, car tout cela doit rester un plaisir jusqu’au bout.
Ainsi vous êtes prêt à affronter la prochaine pulsion, car vous êtes bien conscient que ce ne sera ni la première ni la dernière. Vous saurez comment agir, la gérer et la maîtriser au mieux. Vous lui laisserez le temps de passer ou vous la satisferez, car vous serez alors bien armé. Vous pourrez alors vous faire plaisir sans trop de dommage pour votre santé.
Marion Kaplan et Myriam Marino.
PODCAST : Comment réduire le sucre ?
Rencontre avec Marie-Laure André
Le sucre ce doudou de nos moments de plaisirs gustatifs est en réalité délétère pour notre santé et notre moral. Il est donc important d’avoir le contrôle sur cet ingrédient, trop largement utilisé par l’industrie, qui s’impose et nous drogue. Marie-Laure André, diététicienne et experte dans le domaine des indices glycémiques, autrice prolixe et à succès nous invite à stopper le sucre en 3 mois dans son dernier ouvrage « Objectif zéro sucre ». Elle nous aide à comprendre les enjeux qui entourent la place que le sucre a dans notre alimentation pour sortir d’une forme de dépendance muette.
Notes :
1 - Faites votre glucose révolution, Jessie Inchauspé, Éd. Robert Laffont, 2022
2 - Les mitochondries au cœur de la médecine du futur, Dr Lee Know, Éd. Dangles, 2020
3 – La digestion, les clés du poids, les formes, les dépendances, Dr Olivier Soulier, Éd Sens & Symboles
4 – cité en note 3
5 - Les bactéries intestinales nous feraient manger ce qui les arrange, La Nutrition, 27 juin 2022