26 / 02 / 2015
Nous sommes ce que nous mangeons : Rencontre avec Marion Kaplan et Gilles Lartigot
Elle a révolutionné la manière de cuisiner et de s’alimenter, il y a 35 ans, en créant le Vitaliseur de Marion qui remporte aujourd’hui un succès jamais démenti et au travers de dizaines d’ouvrages.
Il est l’auteur d’un livre choc « EAT » qui ouvre les consciences sur l’alimentation et les dérives de l’industrie.
Marion Kaplan et Gilles Lartigot se rencontrent pour nous éclairer sur la relation qu’il serait bon d’entretenir entre la nourriture, notre corps, notre conscience humaine et notre santé.
Comment êtes-vous venu vers l’alimentation consciente, Gilles Lartigot ?
Gilles Lartigot : Tout a débuté au cours des enquêtes d’investigation que j’ai réalisé dans l’univers de l’élevage industriel, dans des endroits où l’on élève des poulets, des porcs ou encore des bovins. J’ai vu des choses que je n’aurais pas dû voir, qui m’ont créées un choc et je n’ai quasiment plus mangé de viande du jour au lendemain. Et je me suis demandé comment l’on pouvait se nourrir différemment. J’ai commencé à m’intéresser à la nourriture végétarienne et crue. J’ai appris beaucoup de choses. Mon livre « EAT » a commencé par ces enquêtes.
Le grand point commun entre votre livre « EAT » et votre Vitaliseur, Marion Kaplan, c’est l’alimentation vivante. Comment la définissez-vous ?
Marion Kaplan : C’est d’abord une alimentation qui est dans le respect de la nature et dans l’adéquation entre la nature et nous. Cela signifie que nous allons manger des produits de saisons et surtout issus de l’agriculture biologique. Les pesticides sont sur le point de générer des maladies auto-immunes exponentielles. Pour moi, l’aliment vivant équivaut à se demander « qui suis-je ? », « qu’est-ce que j’assimile ? » Le Vitaliseur, qui conserve les vitamines et les enzymes, est un bon compromis entre le cru et le cuit.
Gilles Lartigot : Pour moi, l’alimentation vivante, c’est la préservation des nutriments. Si on ne les cuits pas ou à basse température ou à la vapeur douce, nous préservons nos aliments. Mais l’alimentation vivante c’est aussi une façon de préserver notre santé, voire de guérir. Nous sommes ce que nous mangeons. Si nous mangeons des aliments qui ont conservés leurs vitamines et leurs minéraux, nous nourrissons notre corps. Et nous avons souvent oublié que notre corps s’auto-guérit. Lorsque l’on se coupe, notre corps se cicatrise naturellement.
Cela veut dire que notre meilleur médicament, c’est notre alimentation ?
Gilles Lartigot : Exactement, et c’est ce que disait Hippocrate.
Marion Kaplan : Les peuples asiatiques ont très bien compris cela. Notre problème, en France, c’est que l’on a la Sécurité Sociale. Alors on s’en fout, on ne réfléchit pas puisque la Sécu est là pour nous faire supporter la maladie. Alors que les asiatiques n’ont pas cette « chance » et doivent se débrouiller seuls.
Gilles Lartigot : C’est très important ce que tu dis. Au Canada et aux États-Unis la couverture sociale est beaucoup moins couvrante.
Iriez-vous jusqu’à dire que les aliments industriels et qui plus est les moins chers seraient impropres à la consommation ?
Marion Kaplan : Moi je dis oui ! (rire)
Gilles Lartigot : J’ai écris dans mon livre, une chronique qui s’intitule « Pas cher, pas bon ». Ce qui est à bas prix n’est généralement pas bon pour notre santé.
Pourquoi cette conclusion ?
Gilles Lartigot : Parce que c’est ultra transformé. C’est une question de compression des coûts donc nous n’allons pas acheter de bons produits, c’est évident. Et puis c’est une nourriture industrielle, ne l’oublions pas. Notre nourriture a plus changé en 60 ans que depuis cinq millions d’années. Nos grands-parents ne mangeaient pas comme nous. Ils manquaient peut-être de certaines choses, mais ils n’avaient pas les maladies qui nous touchent aujourd’hui.
Marion Kaplan : On parle aujourd’hui des « maladies émergentes ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Ce sont des maladies qui étaient rares à cette époque… Les cancers étaient rares, la sclérose en plaque, le diabète étaient rares. J’aimerai que les gens qui nous lisent se demandent « Suis-je en bonne santé ? » Il existe un tas de personnes qui se disent en bonne santé et qui prennent des médicaments pour la thyroïde, ou un traitement pour le diabète ou pour l’arthrite. Le poids peut être un indicateur, mais nous pouvons être minces et malades. Nous sommes des êtres vivants naturels à qui l’on veut faire croire que des aliments inventés par l’homme, donc industriels, vont se synchroniser avec nous.
Gilles Lartigot : Notre corps ne reconnait pas les molécules chimiques, tous les médicaments et l’industrie pharmaceutique, les pesticides qui proviennent des gaz de combat de la seconde guerre mondiale. Nous buvons du chlore à travers l’eau de ville. Notre corps ne reconnait pas le chlore. Il est vrai que ça peut soigner pas guérir, ça peut calmer des douleurs. Mais le curcuma, par exemple est un anti inflammatoire naturel.
Suffit-il de manger bio pour bien manger ?
Marion Kaplan : … Non !
Gilles Lartigot : Non, nous sommes d’accord !
Ça voudrait laisser entendre qu’il existe du mauvais bio ?
Gilles Lartigot : Oui, il y a du mauvais bio, c’est le bio industriel. Parfois j’ai des amis qui m’invitent et me disent : « tu vas voir chez nous, tout est bio ». Et lorsque j’ouvre les placards, il n’y a que des gâteaux et des produits marquetés bios. Mais ce sont des produits transformés.
Marion Kaplan : N A T U R E L … La transformation, c’est nous qui devons la faire dans notre cuisine.
Comment peut-on savoir si l’on a à faire à du bon bio, aujourd’hui ?
Gilles Lartigot : On ne va pas au supermarché acheter sa nourriture. Lorsque je suis arrivé au Québec, il y a cinq ans, j’ai demandé où je pouvais trouver un marché. Montréal est pourvu de deux gros marchés, mais dès que l’on s’éloigne en campagne il n’y a pas de marché de producteur, il n’y a que des supermarchés. Aux Etats-Unis c’est la même chose. En France nous avons cette chance là. Le moindre village a son marché. Nous avons un devoir de citoyen, c’est d’aller au marché. Devons-nous faire confiance au bio ? Non, nous devons faire confiance à notre maraîcher. Le bio c’est un label qu’il faut payer.
Marion Kaplan : Le problème, aujourd’hui, c’est qu’on veut absolument conserver alors que l’on peut manger frais. Nous sommes devenus fainéants.
Gilles Lartigot : Oui, parce que les industriels nous préparent tout dans une barquette en plastique que nous n’avons plus qu’à mettre dans le four micro-ondes. Il faut retirer tous les produits qui ne sont pas indispensables à notre santé. Ce qui est cher dans le bio, par exemple, c’est la viande et le poisson, mais ils ne sont pas indispensables.
Et la notion de plaisir ?
Gilles Lartigot : Mais bien sûr ! Je collabore avec des grands chefs de restaurants et je leur dis qu’on peut avoir sur une carte une entrée et un plat végétarien sans mettre une enseigne qui pourrait faire fuir la clientèle. Mais il est possible d’intégrer la notion que l’on peut manger sans produit animal. On peut faire des choses extraordinaires. Et les chefs sont entièrement d’accord sur le fait que tout reste à inventer.
Peut-on dire que le gros problème est le mode de culture ?
Marion Kaplan : C’est l’industrie… c’est l’élevage que ce soit animalier ou végétal… C’est la monoculture qui détruit la planète. On nous fait croire que nous sommes obligés d’avoir cette monoculture pour faire vivre des milliards d’individus… Ce n’est pas vrai. D’ailleurs Pierre Rabhi ne cesse de partir en campagne sur ce sujet. Il faut recréer des prairies. Il existe les espaces pour. Repartir travailler à la campagne est, de plus, une solution au chômage.
Gilles Lartigot : C’est une décision politique mais il faut encourager les jeunes prêts à développer des petites exploitations et à travailler sur du local. Lorsque je traverse la France, j’ai parfois les larmes aux yeux de voir des lieux où tout est fermé. Il existe des petits villages dans lesquels il n’y a plus de bouchers, plus de maraîchers, plus de petits commerces mais il reste toujours un supermarché… et ça, ça me désole.
Le lien social serait un des éléments clefs de la bonne alimentation ?
Gilles Lartigot : Oui vraiment. Le lien social qu’il y a sur les marchés où l’on se rencontre, on se parle …
Marion Kaplan : Aujourd’hui nous avons des « drives ». Vous commandez sur le net, on vous donne votre sachet et c’est fini…
Gilles Lartigot : C’est la misère du désir ! On ne sait même plus ce que nous achetons.
Les études sur notre alimentation sont là aussi un mensonge à dénoncer ? Comment réussir à revenir au naturel en sachant le lobbying qui se cache derrière ?
Gilles Lartigot : C’est compliqué. Il y a beaucoup plus de lobbyistes au parlement européen que de parlementaires. Nous avons perdu notre légitimité française là-dessus. Ce sont des décisions à prendre de façon individuelle. L’industrie agro-alimentaire est la première industrie française. Elle représente 400 000 emplois et 160 milliards d’euros de chiffre d’affaires. A l’intérieur de cela, la plus grosse industrie c’est l’industrie laitière.
Marion Kaplan : J’ai rencontré des laitiers qui m’ont dit que les normes européennes sont tellement puissantes qu’ils sont obligés de mettre de l’eau de javel dans le lait pour faire baisser le taux de bactéries. Les fromages au lait cru ont failli être interdits alors que les bactéries du lait sont des antibiotiques naturels.
Gilles Lartigot : C’est à nous de faire la démarche. Chaque scandale alimentaire est venu d’actes citoyens. Dans les années 80, l’affaire du veau aux hormones a fait chuter sa consommation… La vache folle, même constat. Ce sont des scandales qui proviennent de l’élevage industriel.
Marion Kaplan : On donne de la protéine animale à une vache qui est faite pour manger de l’herbe… Même pas des graines comme on le voit !
Les élevages industriels et les abattoirs offrent des images scandaleuses. A-t-on besoin de faire souffrir les animaux pour produire plus ?
Gilles Lartigot : Oui parce qu’elles sont considérées comme des machines à viande. Le cochon ne voit pas le jour et doit s’engraisser en six mois dans des conditions inacceptables. Cela a pourri toutes les nappes phréatiques en Bretagne. C’est une décision prise après-guerre. Edgar Pisani, ministre de l’agriculture de Charles de Gaulle, a décidé de faire de la Bretagne une usine à cochons. Plan Marshall et invasion des machines et pesticides américains, remembrement des terres, éclatement des parcelles, addiction des paysans aux crédits, mais nous avons dénaturé toute une région. Tout est une question de coût. On a voulu rendre la viande accessible à tout le monde en baissant les prix. Donc l’animal est entré dans un processus d’élevage industriel. On ne peut pas voir ce que j’ai vu et ne pas être affecté ou alors on a un cœur de pierre.
La viande préférée des enfants reste le steak haché et là encore un sujet dramatique ? Que cache-t-il ?
Gilles Lartigot : C’est le pire et c’est ce que nous donnons aux enfants. Il s’agit de vaches laitières en bout de course qui sont envoyées aux abattoirs. Ce sont vraiment des vaches de réforme. La chance que nous avons encore en France c’est qu’il y a un étiquetage « Vache de réforme ». Il ne s’agit pas de bœufs, mais de vaches laitières qui ne sont pas des vaches à viande à l’origine. Pour moi il est dangereux de donner ça aux enfants. C’est un produit très délicat à travailler. Les restaurateurs en sont généralement très conscients. Évitez surtout les promotions de 15 steaks au prix de 10 ou les restaurants qui en propose sur les buffets à volonté.
Les œufs sont-ils dangereux ou au contraire à conseiller ?
Marion Kaplan : On ne peut plus dire : les œufs. Je suis révoltée par les législations européennes qui obligent les producteurs d’œufs, même bios, à ne pas avoir de coq dans la basse-cour. Or un œuf fécondé contient non seulement de la vitamine C, ce qui n’est pas le cas des autres, mais je suis en train de faire des études dans un laboratoire en électro-photoniques (1) et il y a deux mondes différents entre un œuf bio et un œuf de grande marque issu de l’industrie.
Gilles Lartigot : J’ai connu un éleveur bio au Quebec qui élevait ses poules au maïs qui comporte beaucoup d’oméga 6. Je lui ai proposé de rajouter des graines de lin et de chanvre. J’ai ensuite fait analyser ces nouveaux œufs et je me suis aperçu qu’ils avaient un équilibre parfait entre oméga 3 et oméga 6. Et grâce à ça, en consommant deux œufs par jour, ma mère a vu son cholestérol chuter. L’œuf pour moi est la protéine de référence, totalement assimilable. L’aberration, pour moi, ce sont les sportifs qui ne mangent que le blanc au nom de la protéine… il faut manger le jaune aussi. Dans mon poulailler, je n’ai pas de coq mais je suis d’accord avec Marion sur la différence qu’il existe entre l’œuf Bio et l’œuf industriel, ce n’est pas la même chose. L’industrie crée un biorythme accéléré pour les poules en jouant sur une lumière artificielle qui s’éteint toutes les douze heures pour que les poules pondent deux fois plus. Elles vivent à sept dans des cages de 1 m². Nous avons récupéré des poules au bout d’un an dans un état pitoyable… c’est un carnage.
Ça laisse entendre que le stress de la poule engendre des produits de mauvaise qualité ?
Gilles Lartigot : Mais nous mangeons le stress de l’animal, c’est une question de spiritualité. Nous n’avons jamais consommé de la viande telle qu’elle est élevée aujourd’hui. Les abattoirs aujourd’hui ont une fréquence d’abattage de plus en plus grande pour des raisons de productivité. Il y a une augmentation de l’abattage hallal, pas sous la pression des musulmans, c’est juste parce que cette technique revient moins cher. Tel qu’il est conseillé dans les écrits, c’est, pour moi, l’abattage le plus respectueux. Il faut que l’animal soit élevé dans des conditions normales, puis le jour du sacrifice, il doit être séparé, il faut lui parler, qu’il ne voit pas le sang… Mais il n’y a plus de hallal aujourd’hui. Pour moi, l’abattoir c’est la délivrance de l’animal en comparaison avec les conditions de vie qu’on leur impose.
Vous croyez vraiment que nous puissions revenir vers la campagne, des élevages et des cultures raisonnées ?
Marion Kaplan : Nous n’aurons pas le choix ! Nous n’aurons pas le luxe de se demander si nous en avons envie… nous devrons et ça ira très vite.
Gilles Lartigot : Pour moi ça reste une question de choix car nous ne pouvons pas imposer le choix de chacun. Mais pour faire le bon choix, il faut avoir les bonnes informations et c’est ce que j’ai essayé de faire avec ce livre en toute indépendance. Je suis optimiste car, sur ma route, je rencontré de plus en plus de jeunes qui se lassent de la ville et qui désirent vivre différemment.
Quelles seraient vos petites recettes pour nous aider à suivre vos pas ?
Gilles Lartigot : Le matin, un citron pressé.
Marion Kaplan : Je fais pareil (rire) avec un peu d’eau tiède à boire à jeun.
Gilles Lartigot : Mon petit déjeuner, c’est une belle assiette de fruits avec du pollen frais et du sirop d’érable.
Marion Kaplan : Au petit déjeuner, moi je mixe une banane avec du lait de coco. J’ajoute une cuillère à soupe d’huile de lin et divers graines et du pollen frais de temps en temps.
Interview réalisée par Florent Lamiaux
La petite graine en plus :
« EAT, chronique d’un fauve dans la jungle alimentaire » de Gilles Lartigot (ed. Winterfields)
http://www.vitaliseurdemarion.fr
(1) Etude méthodique d’émissions de photons stimulées par des champs électromagnétiques de différents sujets.